LA FORÊT DU DEDANS



"La nature est le reflet de notre nature."



En Amazonie, en sibérie, au gabon...
...La forêt brûle, part en fumée...
...Elle est source de vie, pourtant c'est elle qui meurt aujourd'hui.
...Elle s'élève en un panache aussi sombre que ne l'est l'augure des âmes noircies par l'ignorance qui lui ont ôté la vie.
Et moi, ici, attristé, je me demande pourquoi ?

Lorsque tout à coup me vient une idée en observant autour de moi :
Je vis dans ce qu'on nommais autrefois (dans les cours d'histoire de ma grand mère) le grenier de la France : la Beauce.
Un lieu qui même s'il évoque phonétiquement une protubérance, reste définitivement plat.
A perte de vue, jusqu'au vaste horizon, tout n'est que champs et cultures...
Vue d'ici, seules quelques éoliennes viennent offrir une exception à l'horizontalité...
Les hommes de ces contrées semblent s'être coupés du ciel, pour, la tête basse ne s'occuper essenciellement que de cultiver la terre...

...Jaillissent cependant tels des survivants, de ci, de là, quelques micro-bosquets qui, devenant précieux par leur rareté éveillent en moi la mémoire lointaine d'un antique et majestueux océan de nature : L'immense forêt des Carnutes.
Ce poumon terrestre qui jadis recouvrait toute la région en s'étendant de la Seine jusqu'à la Loire !
En un instant je me rend compte que ce qui se passe maintenant pour la forêt amazonienne s'est déjà produit ici, sous mes pieds, à l'endroit même où j'habite !
En en ressentant la mémoire je me dit que là ou existait une forêt immense emplie de vie et de mystères naturels ne persiste aujourd'hui qu'un sol scarifié et violé par des machines toujours de plus en plus avides :
A perte de vue on y cultive mécaniquement, à coup de traitements chimiques, un blé dénaturé qui lentement, progressivement à rendu le pain proportionnellement aussi insipide, inutritif et blanc que le confort mièvre et molletonneux de notre excessive sédentarité. Que celle-ci soit tant physique que psychique.
Grues, tracteurs et autres machines obscènes y exploitent la terre pour en extraire massivement les betteraves, dont le sucre, tel les graines de lothos maintiendra dans une liquoreuse douceur infantilisante la part d'un peuple devenu servile...

L'analyste que je suis ne peut s'empêcher de penser à ce que symbolise pour nous la forêt, à savoir : notre inconscient, notre psyché profonde, notre part mystérieuse et génératrice de vie...
Ce qui se passe dans ce que nous nommons réel est pour moi le fruit de ce qui se passe au dedans de chacun de nous:
 La destruction des forêts m'évoque un antique conflits qu'entretien l'espèce que nous sommes entre deux parts constituantes de nous même.

La forêt des Carnutes, comme toutes les forêts pourrait bien symboliser notre paradis originel :
un lieu naturel ou dansent en paix naturellement notre partie la plus instinctuelle avec notre partie la plus rationnelle et raisonnée.
Un lieu ré-unificateur dans lequel les arbres nous offrent la métaphore de l'union, non seulement entre la terre et le ciel mais entre l'hier et le demain, le féminin et le masculin...
Bref, un lieu dans lequel nous pouvons trouver aussi bien un bois solide pour nos charpentes que des êtres mystérieux et spirituels nourrissants les légendes...
...L'une d'entre elle nous dit d'ailleurs étrangement que nous aurions croqués une pomme :
Celle de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, symboliserait-elle notre entrée dans la dualité ?
Est-ce depuis ce temps que les peuples soit disant raisonnables ont souhaité enseigner et imposer leur vérités empruntes de certitudes à des barbares et des sauvages ?
Romains et Celtes, Colonialistes et esclaves, conquistadors et peuples précolombiens, cow boys et indiens...
Civilisés et primitifs, intellectuels et sensitifs...

La raison excessive ayant perdu le lien avec son essence profonde, avec la nature et par la même avec sa propre nature se met à la craindre et souhaite de ce fait l'asservir, voir la détruire.
Nous avons oubliés, (sans doute depuis la pomme ) d'apprendre à  laisser danser en nous raison et instinctualité.
C'est sans nul doute à cause de cette curieuse amnésie que cette blessure auto-destructrice apparaît tel un poison dans le monde.
Car que nous le voulions ou non, elle est selon mon humble point de vue la résultante collective de nos névroses individuelles, et ce depuis l'aube des jours:
N'y a t-il pas moyen de réconcilier ces soient disantes différences, de leur permettre par une écoute mutuelle de s'enrichir, en nous et dans le monde ?
Comment intégrons nous les ombres et les mystères de nos propres forêts intérieures ?
Sommes nous enclins à nous y promener pour accueillir de neuves et encore inconnues part de nous mêmes offerte par la différence?
Ou au contraire, sommes nous narcissique à ne projetter sur le réel, sur la nature et sur l'autre comme tous ces conquérants, que le reflet tronqué et répétitif de notre réalité duelle et névrotique ?

Si l'un de ces choix peu nous mener par la destruction, le rejet et la peur à notre propre dévastation, l'autre nous rappellera progressivement le lien nous unissant non seulement au mystère de ce que nous sommes, aux autres mais également à la nature toute entière.
Nous n'arrêterons peut être pas tout de suite les incendies, mais, faisant de notre mieux notre part, en plantant aujourd'hui la graine de l'arbre de demain, nous nous souviendrons que tout comme lui nous sommes une part de la forêt toute entière.

Laurent Vitureau

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